Ce lundi 9 juin 2025 marque le début de la Troisième Conférence des Nations Unies pour l’Océan, coorganisée par la France et le Costa Rica à Nice. Pendant une semaine, les dirigeants internationaux doivent discuter de la protection de l’océan, de sa biodiversité, et du rôle crucial des aires marines protégées (AMP). L’objectif mondial est ambitieux : atteindre 30 % d’AMP d’ici 2030, contre environ 9 % aujourd’hui.
Dès le premier jour du sommet, une annonce forte a été faite : la plus grande aire marine protégée au monde va voir le jour en Polynésie française, selon Moetai Brotherson, président du territoire. Le gouvernement français, de son côté, promet « une accélération sans précédent de la protection forte » de ses zones maritimes.
Une avancée historique pour la Polynésie
Concrètement, la quasi-totalité de la zone économique exclusive de la Polynésie, soit 4,55 millions de km², sera placée sous protection minimale, avec 900 000 km² en protection stricte (interdiction totale d’activité humaine), et 200 000 km² en protection forte, autorisant uniquement la pêche artisanale. Au total, 1,1 million de km² bénéficieront d’une protection renforcée, soit deux fois la surface de la France continentale.
Cette décision permet à la France d’atteindre 78 % de ses eaux placées sous statut de protection (tous niveaux confondus) et 14,8 % de protection forte, un bond important depuis les 4,8 % précédents. Les ONG saluent cette initiative, notamment dans un territoire jusque-là relativement épargné par la pression humaine.
Mais qu’est-ce qu’une aire marine protégée ?
Les aires marines protégées sont des zones délimitées en mer visant à préserver la biodiversité à long terme. Selon le WWF et l’UICN, 8,4 % de l’océan mondial est en AMP, mais seulement 2,7 % bénéficie d’une protection forte ou intégrale, excluant pêche et exploitation.
En France, la situation est plus critique. Dans le bassin méditerranéen, 7,4 % des eaux sont en AMP, mais à peine 0,04 % sont en réelle protection forte, selon les chiffres du WWF. Le problème vient du statut très variable de ces AMP : certaines autorisent encore la pêche industrielle.
Des critiques envers les mesures en métropole
Malgré les annonces, plusieurs ONG, dont Bloom et Greenpeace, remettent en question l’impact réel des engagements du gouvernement. Selon Swann Bommier (Bloom), les annonces masquent une réalité moins flatteuse : les zones dites « nouvellement protégées » en métropole sont souvent déjà interdites au chalutage de fond, pour des raisons géographiques ou de relief. Il évoque une « opération de communication » plutôt qu’un vrai progrès écologique.
Bloom demande une interdiction totale du chalutage de fond dans toutes les AMP françaises. Pour eux, une vraie protection implique l’exclusion des pêches destructrices, des bateaux industriels et des infrastructures lourdes. Claire Nouvian, fondatrice de l’ONG, parle même d’une « imposture écologique ».
Vers une protection accrue en France hexagonale ?
Lors du sommet de Nice, la ministre Agnès Pannier-Runacher a affirmé que 4 % des eaux hexagonales seront en protection forte d’ici fin 2026, contre 0,1 % actuellement. Cette mesure vise à préserver les canyons, coraux profonds, herbiers marins ou le maërl breton. Elle précise que toutes les activités ayant un impact sensible sur les fonds marins, comme l’extraction minière ou le chalutage de fond, y seront interdites.
Mais pour Greenpeace aussi, ces promesses ne sont pas à la hauteur. François Chartier note que les zones concernées sont déjà peu exploitées à cause de leur profondeur ou de leur configuration.
Une protection symbolique mais encore insuffisante
Si la création de la plus grande AMP du monde en Polynésie représente une avancée majeure, elle ne suffit pas à masquer les insuffisances en métropole, où la pêche industrielle reste tolérée dans nombre d’aires dites « protégées ».
Pour les ONG, il ne s’agit pas seulement d’annoncer des chiffres ambitieux, mais de mettre en place des mesures réellement contraignantes pour protéger les écosystèmes marins.